“Les gens ne viennent pas en disant : “Bonjour, je suis seul(e)” … mais la solitude est là et elle ronge.”
Nous avons eu le privilège d’échanger avec Jean-Marc Richard, animateur de radio et de télévision suisse et de l’émission “Ligne de coeur”, dans le cadre de notre nouvelle campagne “Seuls ensemble”.
La tranche d’âge des 30 à 50 ans est une tranche d’âge en matière de solitude qui m’inquiète beaucoup. La solitude ne vient pas du jour au lendemain : vous êtes dans une pièce qui est ouverte et petit à petit, il y a une porte qui se ferme, puis un mur qui se construit, puis un autre…
Comment vois-tu ton rôle sur La ligne de cœur?
Je suis une forme de passeur qui fait le lien entre les gens plutôt que de prendre leur place. Il s’agit nécessairement de les interviewer et de leur donner de l’espace pour qu’ils puissent s’exprimer librement.
La ligne de cœur, c’est quoi?
La ligne de cœur est une émission de radio. Ce sont des gens qui témoignent de ce qu’ils vivent et d’autres qui témoignent par rapport à ce que d’autres ont raconté sur ce qu’ils ont vécu ou ce qu’ils vivent aussi.
Quel rapport avec la solitude ont les personnes qui témoignent ?
Elle n’est pas spontanément exprimée à l’antenne. Les gens ne viennent pas en disant : “Bonjour, je suis seul(e)”, et même pendant la pandémie, les gens exprimaient le fait qu’ils étaient seuls en disant que tout le monde l’était un peu et qu’il y a pire. Mais la solitude est là et elle ronge. On reçoit des gens qui témoignent, puis qui reviennent l’année d’après et qui sont toujours aussi solitaires.
Quel âge ont ceux qui appellent ?
Là où nous avons le plus de gens qui témoignent, c’est entre 30 et 50 ans. On a parfois des beaucoup plus jeunes, très souvent des 20 à 25 ans et puis on a aussi des personnes qui sont âgées, même très âgées, mais ce ne sont pas la majorité.
Comment passe-t-on d’entouré(e) à seul(e)?
On voit par exemple des personnes qui se sont séparées. Alors, on se dit que l’une de ces deux personnes a encore son boulot, et peut-être aussi des amis quand il faisait du foot… Puis les autres disent que la personne ne vient plus au foot, alors on se dit qu’elle a encore sa famille et finalement nous n’avons jamais la vision d’ensemble. C’est cette problématique qui fait que tout à coup, la solitude est vécue comme une descente aux enfers.
Comment réagissent les auditeurs face aux témoignages ?
Ils inspirent de l’empathie, de la compassion et une envie de solidarité parmi les moins proches de la personne. J’ai rarement vu des tout-proches de personnes seules venir en disant qu’ils ne s’en étaient pas rendu compte. Pour le cercle proche des gens, ils ont de la peine à entendre cette solitude, parfois même ils sont dans un déni total de la solitude de l’autre.
Où sont les proches de ces personnes seules ?
Il y a une série de gens qui se retrouvent dans des solitudes car il y a une espèce de co-morbidité que les autres personnes proches ont de la peine à accepter : fragilité physique, fragilité psychique, un choix de compagnon, un choix de vie… Et c’est pour ça que des artistes qui se mettent à réfléchir autour de la solitude peuvent créer un lien avec la personne qui est en solitude, parce qu’ils ne sont pas partie prenante du problème.
Votre message à ceux qui vivent la solitude.
Nous sommes dans une société où il existe des gens qui ont envie de tendre la main, mais pour pouvoir tendre cette main, il faut qu’il y ait une autre main qui soit là à distance respectable. Je vous invite donc à prendre le téléphone, à appeler une association ou quelqu’un que vous connaissez. N’hésitez pas à simplement faire le premier contact, car ce n’est pas une honte d’être dans la solitude, au contraire ! Nous ne voulons pas que ce soit une fatalité dans un monde comme le nôtre, où il existe beaucoup de possibilités pour sortir une personne de la solitude. De même, si vous avez un sentiment de solitude même si vous êtes très entouré.e et que vous en souffrez, demandez de l’aide. C’est le message que je veux faire passer aujourd’hui.
Votre message à ceux qui voient la solitude autour d’eux.
Aux personnes qui ne sont pas dans la solitude, parfois c’est juste accompagner une personne seule vers une association, un groupe, vers une activité… Pour les communes, soyez proactifs envers cette solitude. N’hésitez pas, vous qui n’êtes pas dans la solitude mais qui êtes inquiets, à signaler des solitudes à des structures ou associations qui pourraient agir pour aider les personnes.
Interview par Guillaume F.
Lien vers l’émission Ligne de coeur